La blockchain Steem (2/2)

Si nous savons tous que WordPress est populaire, nous ne savons peut-être pas à quel point il l’est: par WordPress passe les 26 % du web, plus de 500 sites sont créés chaque jour et l’année 2015 a vu transiter plus de 660 millions de post.

Imaginons un instant ce qui pourrait arriver si on disait aux blogueurs du monde entier qu’à partir de maintenant ils peuvent être payés  pour leur contenu plutôt que payer pour pouvoir poster leurs articles.

Steem a le potentiel (nous disons bien le potentiel) pour devenir la nouvelle plate-forme mondiale décentralisée non seulement pour les blogs, mais aussi pour les autres contenus du web.

Steemit est une communauté en ligne qui récompense ses utilisateurs pour leurs efforts dans la production et l’ajout de contenu. Les utilisateurs créent un compte mais il n’y a pas de base de données centrale ou ferme de serveurs. En revanche, le contenu se trouve sur un réseau distribué, décentralisé, basé sur blockchain.

Steemit utilise un algorithme interne pour déterminer la valeur de la contribution de chaque utilisateur, plus souvent un utilisateur contribue à la plate-forme, plus son influence grandit. Les utilisateurs lisent, commentent et votent le contenu des bloggers. Dans Steemit, les utilisateurs peuvent écrire sur n’importe quel sujet, des sujets dominants d’actualité aux sujets de niche. Les auteurs sont payés quand les gens upvotent leur contenu.

Steemit diffère des autres sites de blog (WordPresse) ou forums (Medium, Reddit) surtout parce qu’il est décentralisé, sans micropaiement et sans publicité. La pub est remplacée par la rémunération du contenu en STEEM, la crypto-monnaie interne. La plupart des modèles économiques de monétisation de contenu se basent sur la pub. Beaucoup de créateurs perçoivent la publicité comme une gêne pour le consommateur et cela diminue la valeur de leur travail. Et pourtant, elle reste souvent aujourd’hui le seul espoir de gain (généralement faible).

La publicité est en effet une arme à double tranchant: avec, on gagne de l’argent plus facilement; sans, la monétisation est difficile mais le contenu plus riche et les visiteurs plus nombreux. Lorsqu’on poste du contenu dans Steem, la monétisation devient une affaire banale: on est rémunérés simplement par reconnaissance de son travail (liked) par la communauté. Des versements sont réglés par les smart contracts de la blockchain 100% numériques, sans intermédiaire ni commission. Cette monétisation par récompense via blockchain pourrait bien devenir le standard du futur: une forme plus rapide, plus efficace et plus facile d’utilisation que la monétisation par la publicité.

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Le consensus dans Steem marche de manière assez différente par rapport aux blockchains bitcoin et ethereum.

L’algorithme de consensus Steem définit que les gens ayant un droit acquis et un investissement en cours dans la valeur future de Steem votent pour choisir qui vont être les individus responsables de l’inclusion des données dans le ledger public. Le vote est pondéré proportionnellement au droit acquis de chaque individu.

Avec Steem, la production de blocs se fait en plusieurs tours. A chaque tour, 21 témoins sont sélectionnés pour créer et signer les blocs. Dix-neuf de ces témoins sont choisis par vote d’approbation; un l’est par une proof-of-work informatique, tandis que le dernier est « timeshared » parmi le top 19 calculé proportionnellement aux votes totaux. Les 21 témoins actifs sont permutés à chaque tour pour empêcher qu’on ignore systématiquement les blocs produits par le dernier témoin.

Ce processus est conçu pour fournir la meilleure fiabilité et assure à tout le monde une chance statistique de participer à la production des blocs, cela indépendamment de la popularité et donc du fait de pouvoir apparaître au sommet.

Les acteurs ont trois options pour participer au processus de vote :

  1. attendre patiemment leur tour avec tous ceux qui ne sont pas dans le top 19.
  2. acheter assez de puissance de calcul pour résoudre une proof-of-work plus rapidement que d’autres.
  3. acheter plus de monnaie SP pour augmenter son pouvoir de vote.

En général, appliquer une censure est la manière la plus directe pour des témoins élus de perdre leur travail. Il n’y aura probablement pas de problèmes de ce type dans Steem. Puisque les témoins actifs sont connus à l’avance, Steem peut les préparer pour produire des blocs toutes les 3 secondes. Les témoins synchronisent leur production de blocs via le protocole NTP. Une variation de cet algorithme a été utilisée par BitShares pendant plus d’un an, ce qui garantit sa fiabilité.

Le mining est aussi très différent. La proof-of-work blockchain communément utilisée combine la production de blocs avec la résolution d’une proof-of-work. Puisque le processus pour résoudre une preuve de travail demande un temps imprévisible, il en sera de même pour le temps de production de blocs.

Steem vise à stabiliser la production de blocs afin qu’elle soit cohérente et fiable. Un bloc est généré toutes les 3 secondes, ce qui ne laisse presque aucune chance aux forks. Pour réaliser cela, Steem sépare la production de blocs de la résolution de la preuve de travail. Quand un miner résout une proof-of-work, Steem émet une transaction contenant la preuve. Le témoin qui suit dans l’ordre devra inclure la transaction dans la blockchain. Une fois la transaction incluse, le miner est ajouté à la file d’attente de miners prévus pour produire des blocs. A chaque tour, un miner passe de la file d’attente à l’ensemble actif de témoins. Le miner est payé lorsqu’il produit un bloc dans l’intervalle de temps prévu.
La difficulté de la preuve de travail double chaque fois que la longueur de la file d’attente augmente d’un facteur 4. Puisqu’un miner quitte la file d’attente à chaque tour et chaque tour dure 21 * 3 = 63 secondes, la difficulté est automatiquement divisée par deux si on ne trouve pas de proof-of-work avant  21 * 3 * 4 = 252 secondes.

Les miners Steem sont payés en Stem Powers (SP). Dans la première partie, nous avions vu que les SP sont convertibles en Steem selon un lent processus qui dure deux ans, le powering-down. Cela signifie que les mineurs doivent attendre longtemps avant de toucher de l’argent. L’amortissement des coûts d’électricité et des ressources informatiques est donc à prévoir sur le long terme. Le powering-down décourage ainsi la création de mining-pools: ils devraient débourser des sommes importantes avec la certitude de ne pas récupérer la mise à court/moyen terme. De plus, payer le mining en SP empêche les mineurs d’utiliser le prix en court pour déterminer la rentabilité du mining. Les mineurs sans intérêt à long terme dans la plate-forme ne sont pas incités à participer. 

Steemit deviendra naturellement plus compétitif au fur et à mesure que les personnes participent. Il faudra créer une qualité plus élevée ou un volume plus important d’articles, posts, commentaires et upvotes pour gagner les mêmes montants.

Chaque vote compte et Steemit récompense les votes pertinents. Si on  essaie de les étaler un peu dans chaque article pour faire du volume, cela aura moins d’impact que si on ne vote que quelques fois par jour de manière pertinente. En plus, chaque fois qu’on interagit avec un article de blog ou un commentaire, Steemit crée un lien entre l’utilisateur et le contenu. Ce lien est connecté avec d’autres liens et d’autres utilisateurs. Plus de liens possède un morceau de contenu, plus il a de valeur sachant que Steem récompense les premiers utilisateurs qui trouvent, font des remarques ou upvotent du nouveau contenu. Bien sûr, les articles de Steem sont aussi indexés sur d’autres moteurs de recherche comme Google et Yahoo, ce qui crée encore plus d’exposition pour la plate-forme et son contenu.

Un des points clé de l’utilisation de la plate-forme Steemit va être l’impossibilité de censeur du contenu. Chaque sujet est ouvert à discussion dans la communauté, sans modération: politique, argent, science, religion, cuisine, technique, gossips, etc.. Ceci est un point de la plus haute importance. La (vraie) liberté de parole est la base de la discussion:  le seul moyen paisible d’obtenir un consensus subjectif même sur des sujets épineux.

En France, pays plutôt liberticide au niveau de la presse, ou par exemple une journaliste vient de se faire virer de son poste de directeur-adjoint de l’Obs à la demande du Président Hollande, une plate-forme comme Steemit pourrait avoir de grosses conséquences même sur le plan sociétal. Sera-t-il encore possible de faire passer par force une loi via l’article 49-3 si un article critique récolte 1 million de upvotes ?

Venons-en pour finir à l’enjeu de la rémunération. Le but principal du système de récompense de Steem est de produire les meilleures discussions sur Internet. Chaque année, 10 % de la capitalisation boursière de Steem sont distribués aux utilisateurs qui ont posté, voté ou commenté du contenu. Si on imagine une valorisation de l’ordre de celle du Bitcoin aujourd’hui, le montant de cette distribution pourrait atteindre les 1.8 million de dollars par jour, qui iraient aux meilleurs contributeurs.

Autant dire que le monde du blog et plus généralement du contenu web, pourrait être à la veille d’un chamboulement majeur.

Cela dit, Steem a eu un pic d’engouement cet été lorsque la plate-forme a levé 150 millions de $ en deux semaines et la valeur boursière multipliée par 10 entre le 8 et le 14 juillet 2016, passant de ~0.4$ à plus de 4$.

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Cours de la monnaie steem depuis sa création.

Depuis, le cours est retombé d’un facteur 10 en retraçant le parcours à l’envers. On dirait qu’il s’agit de simples jeux de spéculation, comme ceux qui avaient caractérisé le bitcoin et d’autres altcoin, mais il faut rester prudent. La spéculation est naturelle lorsqu’on sait que la capitalisation est de seulement 45 millions de $ (comparés aux 7 milliards du BTC, qui restent une goutte d’eau dans la finance mondiale).

Il faut sans doute laisser le temps au service de croître, se faire connaître et sans doute aussi de s’améliorer. Le potentiel est là, le temps fera la part des choses.

Il faut aussi savoir que certains utilisateurs n’hésitent pas à critiquer ouvertement la plate-forme et considèrent à présent le système non équitable. C’est tout-à-fait possible. Pour l’instant, les big-whales (les gros détenteurs de coins) ont beaucoup de pouvoir et parfois leur vote peut nettement changer la donne. Ils peuvent aussi s’échanger des upvotes entre eux, faute de concurrents. Aussi, des articles qui ne sont après tout pas si bons peuvent obtenir pas mal d’argent. Cela arrive en général parce que pour l’instant il n’y a pas beaucoup d’utilisateurs et donc pas assez de compétition.

Il faut bien avoir à l’esprit que Steemit est une nouveauté absolue que personne n’avait jamais tentée auparavant. A mon sens, il faut lui donner toute sa chance pour que le système se stabilise et devienne une référence. Si la mayonnaise prend, des articles excellents arriveront peu à peu et  seront récompensés à leur juste valeur. Et vice-versa.

A titre d’exemple, je vous laisse avec cet article steemit qui explique en boucle la plateforme elle-même, par le biais d’une intéressante analogie avec une centrale électrique.

Notez au passage que cet article a reçu en trois mois et jusqu’à ce jour (16/10/2016)  533 upvotes et 86 commentaires, pour une récompense de 452.45 $.

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