Pourquoi l’or est digne de confiance ? Parce qu’il y a une relation mathématique qui lie 79 protons dans son atome et que jusqu’ici l’alchimie ne nous a pas permis de renverser cette relation. Il en va de même pour les crypto monnaies et notamment le bitcoin.
Cette affirmation, à première vue très rassurante, n’a pas empêche Mike Hearn, un de développeurs historiques, d’affirmer qu’il était mort (le bitcoin pas Mike) avant de quitter le projet à cause d’un désaccord irrévocable de fond avec la ligne prise (ou plutôt pas prise) par l’ensemble des décideurs.
Le débat sur la scalability (adaptabilité) de Bitcon a été un sujet chaud parmi les développeurs, les mineurs et les responsables business des différentes sidechains construites au tour de la monnaie. Le départ récent de Mike Hearn a ultérieurement chauffé les esprits, si besoin était.
Le coeur du problème est l’incapacité du bitcoin à absorber (actuellement) un volume de données plus important, condition sine-qua-non pour sa diffusion vers le grand publique. Si cela devait arriver plus tôt que prévu le bitcoin pourrait se retrouver dans un état de saturation. Il faut savoir anticiper, trouver une solution viable techniquement et surtout une solution que tout le monde soit prêt à accepter sans autre délai.
Plusieurs solutions d’adaptabilité on été sélectionnées à partir de la théorie, certaines ont déjà été proposées et au moins une déjà implémenté (Bitcoin XT). Le gros problème c’est que aucune n’a emporté le consensus suffisant pour le déploiement.
Bitcoin XT est un hard fork de Bitcoin Core qui intègre un certain nombre de patchs dont celui qui fait le plus débat : le BIP101. Il s’agit d’une proposition de Gavin Andersen visant à augmenter la taille des blocs à 8Mo (au lieu de 1Mo) dès qu’une super majorité des blocs minés sera acquise (75%). Le BIP101 est activé automatiquement au premier bloc d’une taille supérieure à 1Mo miné, ensuite, tous les deux ans, la taille des blocs est doublée jusqu’à obtenir un max de 8Go par bloc en 2036.
Ces blocs seront relayés par le nouveau client Bitcoin XT et rejetés par ceux qui utilisent encore le vieux client: Bitcoin Core. Cela fait cohabiter deux chaînes distinctes en simultanée et les utilisateurs peuvent choisir de dépenser des bitcoins sur l’une ou sur l’autre.
Hélas, il n’y a pas de consensus dans la communauté pour le moment et le BitcoinXT a été adopte par environ le 8% des mineurs, trop peu pour qu’il puisse être efficace.
Eric Larchevêque, cofondateur de Ledger et de La Maison du Bitcoin a donné son avis sur la question:
« Mon avis personnel […] est que XT n’a aucune chance de réussir car il manque justement un consensus. Les enjeux sont tellement importants qu’il me paraît impensable que des acteurs économiques engagés dans Bitcoin prennent le risque d’un hard fork sans un support total de la communauté. Le principe de vote de XT est basé sur une super majorité des mineurs. Mais les mineurs ne sont pas les acteurs économiques les plus importants du système : les échanges, les marchands et les wallets sont ceux qui, au final, décident d’une grande partie de ce qui peut ou ne pas être. Quel intérêt de miner un bloc sur une chaîne non reconnue par un échange ? Ou d’avoir des bitcoins inutilisables chez un marchand ? »
Il existe toutefois une demi douzaine d’approches actuellement en discussion (en plus du BIP100) et on peut espérer qu’une approche emportant l’adhésion soit trouvée rapidement.
Les leaders de l’industrie qui ont longuement et très attentivement examiné la question (tout leur business dépend de la survie du bitcoin) sont confiants que la question de l’adaptabilité sera résolue à court terme.
Au passage, c’est ce blocage causé par des divergences entre quelques personnes qui a mis en relief la centralisation qui affecte désormais le bitcoin et qui a pousse l’équipe de decred (presque tous ex développeurs bitcoin) à implémenter une nouvelle monnaie. Decred intègre nativement dans sa blockchain un mécanisme de vote entre mineurs et utilisateurs (double consensus) qui d’une part évitera ce type de blocages et de l’autre permettra une gouvernance plus démocratique, sans impasse humaine sur les décisions. Decred est mieux en théorie, mais il ne faut pas oublier que c’est au tour du bitcoin qu’on construit aujourd’hui toute l’infrastructure monnaie.
Quelles sont le raisons de la faiblesse actuelle du bitcoin ? On peut en lister au moins trois:
- la scalability : la capacité à absorber des milliers de transactions par second sans retard (aujourd’hui on est à 7 transactions/sec)
- la faiblesse du protocole face aux attaques dust
- le retard de 10 minutes avant de voire apparaître une paiement dans la blockchain (ce qui reste un défaut mineur parce que la validation est immédiate grâce aux matching des clés privées).
A mon sens le bitcoin aurait déjà complètement centré l’objectif d’être un bien d’investissement rare et précieuse comme l’or, s’il n’était pas en même temps aussi une monnaie d’échange et en plus d’être un support pour une armure d’applications qui se basent sur sa blockchain: KeyBase, BitPay, OpenChain, La’Zooz, Tieron, ProofOfExistance, Factom, RootStock, Openchain, …
Le protocole bitcoin aurait pu (dû?) se borner au rôle de commodity de réserve, de bien refuge et de produit d’investissement, tout comme les métaux précieux. Les « problèmes » viennent de ses deux autres rôles:
- être une monnaie pour les achats courants et
- être un appui pour des applications tierces.
Le Bitcoin est sous beaucoup d’aspects comparable à de l’or et diffère beaucoup d’une monnaie fiduciaire. Mais après tout l’or aussi diffère d’une monnaie classique: depuis combien de temps on paye plus des biens en pièces d’or ? Et lorsque on le faisait ce n’était pas pratique du tout.
Le fait est que le bitcoin, tel qu’il est conçu, a plus le protocole d’un commodity rare et précieuse comme l’or que le protocole d’une monnaie d’échange.
Dans le but de fixer les idées, supposons que, au tout début, le concepteur ait ajouter un toute petite règle au protocole:
« Le bitcoin interdit toutes transactions inférieures à 200$ «
Cela aurait évité d’entrée les trois points négatifs que nous avons évoqué plus hauts.
Le bitcoin aurait été encore une monnaie d’échange mais deluxe, c-à-d uniquement pour des montants assez importants et il aurait été un bien très différent (on n’aurait probablement pas parlé de monnaie virtuelle). Cela aurait évité les nombreuses transactions en micro et milli bitcoins, qu’elles viennent d’attaques dust ou d’applications satellites greffées sur sa blockchain.
Malheureusement cette solution aurait eu aussi un inconvénient majeur: le système aurait été entièrement dépendant d’un information externe: la parité bitcoin/dollar nécessaire en temps réel pour établir combien de BTC il faut pour atteindre le seuil de 200$.