Facebook sait que vous êtes tombés amoureux, la blockchain non.

 

Voici ce que Facebook voit lorsque deux de ses utilisateurs tombent amoureux.

Les data scientists de Facebook ont publié un article en février 2014 dans lequel ils expliquent comment ils savent déterminer statistiquement la formation d’un couple.

Le pattern observé est le suivant:

  • pendant les 100 jours précédent le début d’une relation, on note une augmentation lente et constante du nombre de posts.
  • lorsque la relation commence, la courbe passe brusquement par un point d’inflexion.
  • par la suite, les messages diminuent suivant une pente plus douce. Vraisemblablement, les couples décident de passer plus de temps ensemble et les messages en ligne cèdent la place à plus d’interactions dans le monde physique.

C’est assez flippant, n’est-ce pas? Et pourtant, nous faisons pratiquement tous partie du jeu. Le business modèle WEB le plus rentable au monde (celui qui a permis à Facebook de passer de simple start-up à un des 4 géants du web) consiste à fournir des services gratuits en échange de données personnelles à exploiter.

AKASHA est un projet blockchain né d’une idée de  Mihai Alisie (le createur de BitcoinMagazine et l’un des co-fondateurs d’Ethereum). Il s’agit d’une Dapp souvent présentée dans le milieu crypto comme le Facebook-killer décentralisé. AKASHA pourrait être l’archétype de la prochaine génération de Social Media, bien que Mihai le définisse lui-même comme une expérience à la fois technologique et sociale.

Le programme tourne sur l’ordinateur global Ethereum tandis que les données sont stockées dans IPFS. AKASHA est l’acronyme pour Advanced Knowledge Architecture for Social Human Advocacy et est aussi un mot sanskrit qui signifie ether.

Comme dans toutes les plateformes sociales, on peut publier, partager et voter, avec toutefois deux différences remarquables:

  1. le contenu est publié sur un réseau décentralisé p2p plutôt que sur des serveurs propriétaires.
  2. les votes passent par des micro transactions ETH, donc plus le contenu est apprécié plus l’auteur gagne de l’argent. Une sorte de Mining with your mind.”  qu’on avait déjà vu dans Steem.

Le fondateur Mihai Alisie donne un exemple très parlant. Si vous posez la question: « Quand vous parlez à quelqu’un, que diriez-vous si une personne venait vous écouter et prendre des notes? ».  La plupart des gens répondrait que cela serait une terrifiante violation de la vie privée. C’est du bon sens élémentaire et pourtant le contraire est devenue la chose la plus normale du monde dans le web centralisé. Si la collecte de données FB était faite pas des gens dans la rue qui prennent des notes, les tribunaux seraient inondés de plaintes.

La majorité des gens affirment que ces droits sont très importants et que les perdre serait inacceptable. Et pourtant on les a déjà perdus: nous n’avons aucun droit ou contrôle sur la plupart de nos données web. AKASHA peut apporter un réseau dans lequel liberté d’expression et mémoire collective ne seraient pas sous-traitées à des sociétés. Grâce à Ethereum, il n’y a plus de serveurs et le partage d’informations et de valeurs ne dépendent plus d’une entité particulière.

C’est ça le Web 3.0.

AKASHA permet au monde d’avoir une solution de rechange, l’alternative au status-quo courant qui ne plait à personne (en dépit de son succès). A mon sens, les applications d’aujourd’hui ne peuvent pas durer dans le temps, puisque foncièrement bâties sur un mécontentement général. Les gens vont finir par arrêter d’utiliser des services Web dans lesquels ils n’ont plus confiance, à condition, bien entendu, d’avoir l’outil de rechange. Si le point de basculement est atteint, il deviendra normal d’avoir des vies et des mémoires privées en ligne.

AKASHA est conçu comme un ensemble de smart contracts intelligents dans Ethereum qui gèrent la logique applicative en s’occupant de l’identité, la vérification, le vote et les transactions. Comme c’est déjà le cas pour facebook, AKASHA pourrait devenir le socle social commun partagé par de nombreuses DAPPS satellites. C’est-à-dire que les développeurs pourront se greffer à la plateforme pour proposer de nombreux services.

Nous sommes face à un autre projet blockchain à évolution binaire:

  • soit c’est un flop et il faudra attendre le prochain train (voir LaZooz vs ArcadeCity vs …)
  • soit c’est un succès qui va changer pas mal de choses dans notre société.

Comme le dit le créateur lui-même: « AKASHA peut devenir l’un des catalyseurs sociaux le plus percutant dans l’histoire du Web, ou alors être un échec complet servant de leçon à d’ autres pionniers qui créent dans cet espace. »

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Mais un autre point intéressant reste à souligner: la centralisation et la censure de l’information.

Les réseaux sociaux agissent aujourd’hui comme des intermédiaires entre les utilisateurs qui partagent et consomment de l’information: cela crée un point de contrôle unique sur tout ce qui est dit.

L’élection de Trump (inattendue et mal vécue de la part de plusieurs sphères d’influence) a déclenché par exemple une vive polémique autour de facebook:  la plateforme est accusée d’avoir influencé le résultat du vote Trump, via la propagation de fausses informations. Rien que ça.

Et voici que deux des GAFA, sortent de la cabine téléphonique habillés en superman pour venir à la rescousse de l’information perdue.

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Google propose son nouveau service CrossCheck dans le but d’« aider les citoyens à savoir à quoi et à qui se fier dans les flux des réseaux sociaux, des recherches sur Internet et de l’actualité, au cours des prochains mois ».

Comment? 37 médias français dont le Monde, le JDD… vont être les arbitres de la désinformation en jugeant ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.

 

Problème: tous les sondages montrent que les gens ont de moins en moins confiance dans la presse. Ce dernier par exemple montre que 67 % des sondés jugent les journalistes dépendants des pressions des partis politiques et du pouvoir.

News sorties début février 2017

Ainsi, dans un contexte où:

la labellisation  de l’information est confiée aux rédactions de très grands journaux (comme LeMonde). Ils auront la tâche de prendre la décision de bloquer un post, avec tous les problèmes en terme de neutralité et de conflits d’intérêts que cela peut poser.

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Deuxième exemple: huit médias français s’allient à Facebook contre les fake news. Le réseau social a déployé en France (le 2 mars 2017) son dispositif de signalement par les utilisateurs d’une information qu’ils pensent être fausse. Celle-ci sera ensuite vérifiée par les médias partenaires.

Je pense que l’utilisateur lambda a toutes les raisons de se demander si ces deux dispositifs sont suffisamment neutres, mais bon …  ça c’était le vieux monde.

Lorsque les gens publient dans AKASHA ils diffusent un hash qui pointe dans IPFS (the interplanetary file system) et le réseau Ethereum où d’autres pairs peuvent accéder et diffuser l’information.

Ce mécanisme est tout à fait différent de la façon dont les plateformes courantes stockent votre contenu sur leurs serveurs afin de le rendre accessible à vos amis / suiveurs. Si quelqu’un devait demander à AKASHA de retirer quelque chose, AKASHA serait tout simplement dans l’impossibilité d’honorer la demande étant donné qu’ils ne possèdent en rien les informations des utilisateurs. Les utilisateurs gardent un contrôle total sur ce qu’ils disent. La plateforme ne fait que fournir l’outil web au-dessus duquel les gens s’expriment librement.

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AKASHA est pour l’instant en version alpha ce qui veut dire que des bugs, des erreurs aléatoires et des pépins variés doivent être prévus. Il a récemment dépassé les 1.000 identités créées ce qui a permis de faire un premier test réel. La réaction globale a été jugée très positive et les gens semblent apprécier le concept.

Vous pouvez installer et tester l’application en suivant les instructions qui se trouvent ici. Pour en savoir plus, vous pouvez rejoindre leur communauté Slack ou si vous êtes développeurs, analyser les codes sources.

Par rapport à une page Web ordinaire, AKASHA est plus lent: il faut environ 5 secondes de chargement (peer-2peer oblige) après un clic mais cela dépend du nombre d’utilisateurs connectés et donc la marge d’amélioration est importante. Pour l’instant, il n’y a pas d’onglets et le thread est limité à un seul sujet qui n’accepte ni les images ni les vidéos. C’est juste une version alpha avec les fonctionnalités de base.

S’il ne faut pas s’attendre à ce que AKASHA remplace Facebook, Twitter, Reddit ou Medium demain, certainement une communauté propre peut se former autour du produit. Rien ne vous empêche d’essayer vous-mêmes, d’ailleurs: la procédure d’installation est vraiment très simple.

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